Saturday, 3 March 2012

Le village et l'Etat et l'Etat dans le village

                                           
                                   Philippe Papin      

       


Le mandarinat s'arrêtait jadis à hauteur du district. Malgré plusieurs tentatives pour implanter un agent de l'Etat dans les villages, ceux-ci n'étaient contrôlés que lorsque le mandarin de district partait en tournée pour lever l'impôt ou rendre la justice. En dessous du district, au niveau des cantons et villages, l'Etat n'était plus représenté et le contact s'opérait par le biais d'élus locaux dont les fonctions étaient dévolues et prises en charge par les communautés villageoises elles-mêmes. Entre 1802 et 1919, la cour des Nguyễn a produit 5784 lauréats de tous grades, et c'est cette poignée d'hommes - environ un millier travaillant au même moment - qui a dirigé la machine d'Etat pendant un siècle, avec l'aide d'une nuée de secrétaires et d'assistants, tous issus du milieu rural et parfaits connaisseurs des ressorts administratifs dont ils avaient la charge. La fonction publique ancienne était une structure légère et cela s'explique notamment parce que la plupart des tâches de gestion des villages étaient assumées par les villageois eux-mêmes. Cette déconnexion a contribué à alimenter la thèse de l'autonomie villageoise, souvent étayée -mais peu solidement- soit par un vieux proverbe partout cité ("La loi de l'Etat s'arrête à la haie de bambou du village"), soit par la mention du coutumier villageois dans lequel était consignée la loi du village. Déclinée sur le mode du contemporain, c'est l'idée d'autonomie locale qui apparaît, le pouvoir tout-puissant des comités populaires et des autorités de districts et, en filigrane, l'idée d'un Etat central qui ne pénétrerait pas vraiment l'échelon local. D'une certaine image du village ancien, l'on passe à la théorie de l'atomisation de l'autorité dans le Viêt-Nam d'aujourd'hui.
Pourtant, cette prétendue autonomie ne résiste pas à l'examen. Si le village avait bien une certaine latitude, celle-ci s'exerçait dans le strict domaine des fêtes, des cérémonies et de la petite justice locale. En revanche, sa gestion politique était contrôlée de très près par l'Etat. Jusqu'au XVIIIe siècle d'ailleurs, le chef de village était recruté par concours parmi les anciens employés du mandarinat. Les archives villageoises prouvent en outre le rôle central du mandarin qui pouvait destituer un chef du village, qui fixait le niveau de l'impôt, qui arbitrait les conflits familiaux, qui rendait la justice et veillait à l'application des peines. Bref, l'Etat était bel et bien présent dans les communes vietnamiennes.            
En réalité, si l'Etat n'éprouvait pas le besoin d'un contrôle direct et constant sur les villages, c'était parce qu'il constituait lui-même, en tant que pourvoyeur d'emplois et détenteur de la doctrine, l'horizon de référence du paysan. Si l'on ose dire, le villageois "s'étatisait" de l'intérieur.
En effet, si c'est bien depuis le village que tout commençait, c'est aussi bien souvent là que tout s'achevait. C'est un fait important qui a largement influencé la pensée politique vietnamienne: le pouvoir se conquiert depuis la campagne et c'est encore ici qu'il se joue et se pérennise. A la différence de la Chine où les élites vivaient en ville, le Viêt-Nam a produit une classe mandarinale qui non seulement venait de la campagne mais qui, en fin de carrière, y retournait finir ses jours. Là, l'ancien fonctionnaire était une fenêtre ouverte sur l'extérieur: il avait voyagé, il connaissait bien le pays, ses contes et légendes, ses coutumes, la vie de la capitale et celle des provinces reculées. Il racontait ce qu'était le Viêt-Nam aux paysans. Très souvent, il ouvrait une petite école et y enseignait les caractères et la littérature chinoise. Derrière lui, il y avait encore toute une pléiade d'employés qui continuaient de résider dans leurs villages où, chaque jour, ils apportaient un peu de ce qu'ils avaient appris "en ville", au chef-lieu de district. Davantage que les mandarins, ce sont leurs subalternes qui ont été les vecteurs des connaissances techniques, celles liées à l'hydraulique, à la monnaie ou au droit. Grâce à cette solide liaison entre les lettrés et leurs villages, n'importe qui ou presque savait ce qu' était un placet, un acte juridique, un poème de facture classique. L'industrie du livre n'ayant jamais été bien développée, ces relais jouaient un rôle fondamental parce qu'ils formaient les jeunes gens et les incitaient à passer les concours qui, seuls, pouvaient les tirer de la rizière. Mandarins et lettrés distillaient à la fois la culture de l'élite et la pratique bureaucratique au sein même du petit peuple de la campagne. Par le truchement de ces hommes qui tiraient la société vers le haut, la culture savante était d'emblée mêlée à la culture populaire et l'influence de la première sur la seconde, si elle n'était pas directe, n'en était pas moins forte.
            Le paysage en porte la marque, car le fonctionnaire réinvestissait au village l'argent qu'il avait pu gagner en exerçant ses fonctions. Il payait pour édifier ou restaurer les pagodes, les temples ou la maison communale; il faisait construire des puits, des bassins, de grands préaux abritant les marchés. Le legs de l'évergétisme mandarinal est énorme. Avec des moyens plus modestes, les villageois ayant migré vers la ville en faisaient tout autant: achat de terres, de rizières ou de terrains d'habitation, mais aussi dépenses pour la réparation des monuments publics. Erigées en mémoire d'un homme de talent ou d'un généreux donateur, les stèles impriment au beau milieu d'un cadre paysan l'empreinte très visible de la culture de l'élite, des caractères chinois et des références littéraires les plus sophistiquées. Le village n'était donc pas un isolat mais, à l'inverse, il était profondément irrigué par une culture d'élite, à la fois rurale et urbaine, dont il était le terreau.
            Coexistence des mandarins et des paysans, intégration populaire à la hiérarchie des fonctionnaires, diffusion locale de la culture des élites et, grâce à elle, cohésion idéologique: la force du village vietnamien n'est pas de s'être tenu à l'écart de la grande histoire, d'avoir été un pôle d'autonomie ou de résistance, mais, à l'inverse, d'avoir été d'abord et avant tout un lieu de fusion et d'échange entre d'une part le monde de l'Etat, des fonctionnaires et de la culture savante, et d'autre part celui des paysans, des réjouissances populaires et de la production rizicole. L'Etat confucéen était dans le village et la culture savante gisait au sein de la culture populaire. La matrice, c'est donc d'abord un village duplex ("un seul lieu, deux cultures").

L'Etat dans le village

            La maison communale (đình làng) constitue le meilleur symbole de cette fusion politique. S'il n'y avait qu'un seul monument à retenir et à visiter en détail, ce serait celui-là. Dans un saisissant raccourci, il résume en lui toute la problématique culturelle et politique du pays. Il fournit le cadre général sans lequel l'on ne pourrait pas comprendre les grands traits culturels qui sont encore actifs, car ils le sont précisément parce que l'Etat, le pouvoir central, y était et y est encore impliqué.
            Forum villageois où se déroulaient jadis tous les événements importants, la maison communale est une grande bâtisse longitudinale à un seul étage qui, le plus souvent, est érigée au cœur même du village dont elle définit le centre. C'est d'ailleurs à l'endroit même de celles qui ont été détruites par la guerre ou la révolution culturelle que les autorités vietnamiennes ont construit les comités populaires qui, somme toute, jouent un rôle identique. Saisie au terme de son évolution, la maison communale servait en effet de lieu de réunion au conseil des notables et aux villageois inscrits au rôle, c'est-à-dire présents depuis trois générations au village et y payant leurs impôts; les notables tenaient ici leurs assemblées, débattaient des affaires du village, tranchaient les différends entre les familles et, surtout, ils y organisaient de vastes banquets. Dans certains de ces bâtiments, l'on peut encore voir les encoches qui, à la base des piliers, permettaient d'emboûter des planchers mobiles disposés à des hauteurs différentes, selon le rang occupé par le convive dans la hiérarchie villageoise. Sur ces planchers étaient disposées des nattes et l'on classait les villageois selon la natte sur laquelle ils avaient le droit de s'asseoir. Le chef du conseil des notables était juché sur la "première natte", chu-tich  en sino-vietnamien, terme qui s'applique aujourd'hui au président (d'un comité populaire, d'une province ou de l'Etat tout entier).
            L'origine du monument est encore mal connue. Le terme apparaît dès le XIIe siècle, mais il désignait alors soit un pavillon de plaisance soit un relais disposé le long des routes  et lié au culte bouddhiste. Bien que la question soit encore l'objet de débats, il semble bien que la maison communale, telle qu'on l'entend de nos jours, soit apparue dans le delta du fleuve Rouge durant le XVe siècle (mais un peu plus tard dans le Centre et le Sud, au fur et à mesure de la progression de la "Marche vers le Sud"). Or, rappelons ici que le XVe siècle correspond à l'expansion vers le royaume du Champa, à la centralisation administrative et au triomphe du confucianisme d'Etat. A cette époque, la maison communale désignait un "relais", un logement réservé au mandarin de district lorsqu'il venait en tournée dans les villages. C'était donc un élément essentiel - parce que visible - de la politique de la Cour: faire descendre l'autorité centrale le plus bas possible dans la société rurale, et à la charge financière de celle-ci. Intégré dans l'arsenal de mesures prises à cette époque pour tenter de contrôler le monde rural, cet édifice fut par la suite - mais par la suite seulement - capté par les villageois qui y tinrent leurs assemblées et y organisèrent les réjouissances populaires. Comme souvent dans l'histoire vietnamienne, passée et présente, la structure étatique a été ingérée, "villagisée" et détournée de ses fonctions. Ainsi, l'origine de ce bâtiment jugé typique de la campagne, de la culture populaire et de la fameuse "autonomie" villageoise, nous ramène tout droit à l'Etat.

            Religions populaires.
            Aujourd'hui encore, la maison communale abrite la "divinité tutélaire". Chaque année, lors de la fête du village, une longue procession conduit le palanquin portant la divinité vers la pagode, où elle est adorée puis, quelques jours plus tard, les villageois la replacent sur l'autel de la maison communale où se trouvent les tablettes de la divinité, en général un coffret contenant un parchemin ou une petite stèle de pierre attestant de ses qualités. C'est un moment important où se joue la jonction du civil au sacré. Le culte de la divinité tutélaire est absolument fondamental, constitutif de la sociéte rurale, et aucun acte important de la vie sociale ne pouvait (ne peut) faire l'économie d'un passage par la maison communale.
            C'est sans doute dans l'organisation des fêtes villageoises que se lit le mieux la persistance du socle religieux ancien. En tant que rites propitiatoires, la plupart d'entre elles ont lieu au commencement ou à la fin de la saison des pluies, périodes critiques pour le paysan dont la production rizicole dépend des irrégularités du ciel. La plupart de ces réjouissances trahissent encore leurs origines agraires dans la nature même des célébrations qui y sont tenues: rites de violence, rites orgiaques, rites de libération temporaire et de l'insoumission en général. Les fêtes sont des moments de licence pendant lesquels la communauté villageoise s'extirpe un bref moment du carcan social, politique et familial pour se tourner tout entière vers sa cohésion interne - réelle ou imaginaire - et vers les forces naturelles dont elle est tributaire. Bien que les divinités anciennes soient mal connues, certaines fêtes villageoises permettent d'en retrouver la trace. Le premier type de culte a trait à la fécondité et à la fertilité. De nombreux villages, par exemple dans les provinces de Phú Thọ et Bắc Ninh au Nord, Quảng Bình et Quảng Trị au Centre, organisaient des processions de "divinités luxurieuses" (dâm th ần). A Khuc Lac (province de Phú Thọ) par exemple, le 26 du premier mois lunaire, dix-huit garçons et dix-huit filles chantaient des chansons licencieuses et formaient un cortège portant trente-six statuettes de bois symbolisant les organes génitaux mâles et femelles; ces simulacres étaient ensuite déposés dans un petit temple où la foule se ruait et jouait des coudes pour s'en emparer: selon  la statuette dont l'adulte avait pu s'emparer, la future naissance serait celle d'un garçon ou d'une fille.
            Les divinités populaires étaient extrêmement variées: culte des animaux (tigres, bien sûr, mais aussi coqs, chiens, chats ou porcs), des "génies du sol", des végétaux et, très fréquemment, culte d'hommes morts de mort violente à une heure sacrée et dont il fallait se prémunir des pouvoirs occultes. Plus menaçant pour le pouvoir central, le culte des fondateurs du village (parfois mythiques au Nord, mais souvent bien réels dans les villages viêt du Centre et du Sud) était également très développé.
            Tous ces cultes ont donné naissance à  des cérémonies destinées à illustrer le trait le plus saillant de la divinité. Les habitants du village de Cổ Nhuế, non loin de Hà Nội, s'étaient spécialisés dans l'ébouage et ils vouaient donc un culte à un "génie vidangeur" que l'on adorait à travers une cérémonie où les gens se munissaient de paniers et des pincettes symbolisant l'exercice de leur délicate profession. Lorsque ce trait saillant était franchement licencieux, rustre ou grossier, il se pratiquait la nuit, en secret et à l'abri du regard indiscret des mandarins ou des étrangers au village. Certaines fêtes licencieuses débordaient en outre sur une mise en pratique très concrète des cultes de la fécondité. Cette permissivité est évidemment liée à de très anciens rites agraires qui existent dans l'ensemble du Sud-Est asiatique et que seules ces fêtes anciennes - et quelques rares représentations statuaires dans certaines maisons communales - nous permettent de connaître. Ces cérémonies, fêtes et processions ont très tôt revêtu un caractère clandestin, ou semi-clandestin, que dénote d'ailleurs bien le nom qui leur était donné: hèm ("tabou").
            Lorsqu'au contraire ils commémoraient une action vertueuse ou un homme de qualité, les hèm étaient organisés au grand jour. C'est le cas de la fête du village de Phù Đổng qui réunit quatre villages se livrant une bataille symbolique durant laquelle les villageois tenant le rôle des armées chinoises sont vaincus par les troupes commandées par la divinité locale. Allant parfaitement dans le sens du confucianisme, qui en fut certainement le promoteur, ces fêtes ne menaçaient pas le pouvoir central mais, à l'inverse, elles le soutenaient fermement. Elles ont donc duré et elles existent encore tandis que les hèm paillards et animistes ont totalement disparu. Aujourd'hui, et c'est un drame pour l'historien, nous ignorons presque tout des cultes populaires vietnamiens, mais certains travaux laissent cependant penser qu'ils étaient très liés au substrat culturel ancien (par exemple, la proportion de divinités féminines y est importante). Ce qui est certain, c'est que ces divinités étaient bien différentes de celles imposées par l'Etat confucéen.

            Cultes nationaux.
            A la fin du XVe siècle, la politique de reprise en main des villages s'entend aussi du point de vue cultuel. Le vieux socle religieux  et les divinités jadis révérées par les villageois furent brusquement remplacés par des divinités officielles (thành-hoàng), directement inspirées de la Chine. Imposées par l'Etat dans les maisons communales, ces dernières étaient dûment munies d'un brevet de nomination, portant le cachet de la Cour, qui devait être périodiquement renouvelé. Le contrôle était total. Comme elles avaient pour fonction d'intégrer davantage le monde rural à l'Etat, ces divinités officielles étaient d'illustres généraux ou de grands mandarins qui s'étaient distingués par le passé, notamment en luttant contre les Chinois. Ces figures nationales, qui n'avaient aucun rapport avec la culture indigène, constituent aujourd'hui plus des deux tiers du panthéon. Comme ces cultes se retrouvent tout autant au Sud qu'au Nord, c'est un élément très fort de cohésion nationale. Leur forme est aussi significative que leur contenu: par son ordonnancement et sa discipline, les grandes fêtes rituelles étaient (sont encore) l'occasion pour la société villageoise de se mettre en scène au sein d'une procession qui respecte et souligne l'ordre social du village, mandarins et secrétaires du Parti en tête.      
Clandestinement révérées par les communautés rurales, les divinités populaires ont probablement coexisté quelque temps avec les grands héros qui traduisaient si mal les pratiques agricoles et sociales de tous les jours. Mais, portés par l'ensemble de l'appareil d'Etat, seuls les cultes liés à ces divinités officielles ont survécu: le politique a subverti le religieux. Emboîtant le pas à la dynastie des Lê, le pouvoir communiste a cherché à exploiter à son avantage le culte des héros nationaux. Jeune paysanne nord-vietnamienne devenue martyre de la résistance contre l'occupant français, Mac Thi Buoi est honorée dans le village de Nam Tan, à 80 km à l'est de Ha Noi. Elle appartenait à la lignée d'un grand lettré du XIVe siècle qui était révéré comme génie tutélaire de son village d'origine. Une "maison du souvenir" a été juste en face du temple dédié à son illustre ascendant: à cinq siècles de distance, l'Etat intégrait avec succès au panthéon villageois une figure de rang national. Le politique affleure Culte de Mac Thi Buoi ou de Ho Chi Minh, c'est dans tous les cas la problématique de la création de lieux de mémoires et l'imposition de "Marianne au village".
            Ce rapide rappel historique pose le cadre de la culture vietnamienne dite "traditionnelle". Il ruine la thèse de l'opposition entre le village et l'Etat, entre le pouvoir local et le pouvoir central et, finalement, entre la culture populaire et la culture des élites. Il rend caduc le jeu d'antagonismes binaires qui, en coupant le pouvoir (impérial ou communiste) de sa base sociale, permet d'affirmer sans preuve que, à l'abri de sa haie de bambou, le village serait le conservatoire des traditions "authentiquement" populaires, sans que jamais celles-ci ne soient d'ailleurs vraiment définies. Ce n'est pas le moindre paradoxe que de voir cette idée - celle d'un socle indépendant, vierge et préservé des grandes évolutions du pays - adoptée à la fois par les tenants du culturalisme et par les autorités socialistes d'aujourd'hui.
            Relais mandarinal, forum des sociabilités paysannes, lieu de culte des génies locaux et des grands héros nationaux: beaucoup plus qu'un simple édifice villageois, la maison communale inscrit dans le paysage la nature même du système ancien où apparaît, au premier plan, le rôle à la fois politique et religieux de l'Etat centralisateur. De même que l'Etat intervenait au sein des communautés rurales en dépit de l'apparente indépendance de celles-ci, il est historiquement impossible de déconnecter le noyau villageois de la culture confucéenne - venue de la Cour mais distillée par des relais locaux parce que la seconde a permis de réaliser (de gré ou de force, peu importe) l'unité des premières. Unité certes partielle, car le socle ancien n'a pas complètement disparu, unité peut-être factice, mais unité réelle, tangible, au moins en ce qui concerne les grands principes religieux ou politiques qui structuraient le village. C'est cette unité de la doctrine et sa parfaite liaison avec les pratiques, cette unité jadis à la fois imposée par l'Etat mais tout autant conquise de l'intérieur par les populations elles-mêmes, c'est en définitive cette fusion, interne au village, qui fait de celui-ci une matrice non plus simplement double ou duplex  mais bel et bien une matrice bifrons: "Un seul lieu, une seule culture".

        Cette culture bifrons est fondamentale pour comprendre le Viêt-Nam. Ce sont précisément les ruptures introduites entre ces deux faces d'un même visage qui expliquent les difficultés du pays et les solutions imaginées par l'époque contemporaine pour y répondre.     

       

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